[Dark - Kira.Silva.Hao] Retour au Villa Pache

Kira était de retour. En apercevant le campement Pache, une partie d’elle se sentit douloureusement chez elle.  C’était le même sentiment contradictoire qui la saisissait au contact de Silva ou de Goldova. Un sentiment issu de sa seconde enfance, qu’elle avait dû mettre de côté au profit de sa véritable identité.

Mais elle s’était toujours rappelée. De ses parties de fausse chasse avec Silva autour du camp avec leur arc de bois et de ficelle, ou encore du sourire plein d’amour de sa mère Pache. Les histoires des Anciens autour du feu, sur les Shaman King, le tournoi, la rencontre de milliers de cultures pour un but commun. Elle rêvait du Shaman Fight en buvant chacune de leurs paroles. Elle aussi, un jour, elle avait rêvé d’être une Officient. Peu de femmes étaient prises, mais pourquoi pas elle ? Ce serait peut-être elle qui testerait le futur gagnant. Ô que c’était excitant ! Elle serait parfaite, en duo avec son grand frère. Même si les enfants des autres familles se moquaient.

« Pourquoi seriez-vous Officient ? La traîtrise coule dans vos veines. »

Cela avait été la première parole discriminante à l’égard de sa famille, issue d’un évènement qui s’était déroulé un demi-millénaire avant leur époque. C’était tellement loin. Quel rapport cela avait-il avec le présent ? Les enfants qu’ils étaient n’avaient pas vraiment compris et s’étaient contentés de baisser les yeux. D’encaisser que d’autres piétinent leurs rêves.

Kira n’avait pas non plus oublié les lapidations, les coups que les autres lui avaient infligés quand l’oracle avait parlé à son sujet. La petite fille blonde était un démon revenu des Enfers pour aider le fléau à s’abattre, d’après la divinatrice. Elle n’avait pas compris. Elle n’avait pas compris pourquoi le regard de sa mère avait changé, passant de l’amour à l’horreur. Silva non plus, n’avait pas compris. Il avait continué à la protéger, à veiller sur elle, cette petite fille blonde qui pleurait la nuit à cause de ses cauchemars, qui avait peur du feu. Il continuait de se battre contre ses démons, chassant avec courage les yeux de braise qui pouvaient la fixer la nuit et les murmures qu’elle entendait le soir.

Et puis Silva avait changé, lui aussi, quand il devint progressivement un homme. Quand il comprit que sa mère, sa tendre mère, déclinait mentalement par la faute de cette abomination qu’était sa sœur. Il changea quand il comprit qui elle était. Lui aussi.

Goldova l’avait recueillie et avait continué de l’élever comme sa fille. Il lui redonna ses souvenirs, un à un, dans l’ordre qu’il lui plaisait, afin de nourrir une haine irrépressible envers Hao. C’était parce qu’il l’avait laissée brûler qu’elle avait peur du feu. C’était parce qu’il était animé par une ambition destructrice que les humains l’avaient éliminée. C’était parce qu’elle l’aimait qu’elle avait payé si cher. Mais il lui répétait sans cesse la chance qu’ils avaient de l’avoir.

« Tu n’es pas une abomination, mon enfant, ta présence ici est le signe que le Great Spirit souhaite que tu interviennes contre le Grand Omnyoji. »

Mais Kira avait fini par comprendre. Elle n’était qu’une arme, rien de plus. Le regard de Goldova était sensiblement le même que les autres. Lui avait juste accepté d’endosser le fardeau de l’élever. Quand elle était encore ignorante, elle aimait cet homme. Une fois tous ses souvenirs, tout son jugement, toute sa raison retrouvés, ce n’était plus le cas.

Elle entendait presque les rires des familles amérindiennes depuis sa position. Ils devaient dîner et bientôt, ce serait le récit des Anciens, se dit-elle avec amertume. Elle resta un moment, interdite, à regarder la lumière du feu de camp perceptible entre les tipis.